L’effet panurge tire son origine d’un épisode du Quart Livre de François Rabelais, Panurge qui vient d’acquérir un mouton, le jette à l’eau, les autres moutons du troupeau le suivent sans « réfléchir ». Il s’agit d’illustrer la naïveté des gens qui suivent un groupe faute d’opinion personnelle. Mais, ne sommes-nous pas tous sujets à cet effet, aussi appelé biais de conformité?
Lors d’un grand événement, pour une prise de décision importante, pour son orientation scolaire, lorsqu’on s’installe dans une nouvelle communauté, la plupart du temps on accepte les habitudes d’usage. Les raisons semblent multiples : l’absence d’opinion, la confiance en la communauté (si ce n’était pas la meilleure chose à faire ça se saurait!). On laisse le groupe guider nos choix. Alors, bien sûr lorsqu’on choisi de vivre en communauté, d’avoir une vie sociale, il doit y avoir un climat de confiance. Cependant, à force de calquer ses décisions sur celles des autres, on finit par se soumettre au groupe, c’est ce qu’on pourrait appeler de la pression sociale. Nos choix ne sont plus faits pour soi sur des critères logiques et peuvent même être nocifs au groupe.
Pour mettre en évidence ce biais cognitif, le psychologue Solomon Ash dans les années 50 a mené une expérience troublante. Il a demandé à des étudiants de comparer des segments de longueurs différentes. Ceux-ci répondaient de manière exacte lorsqu’ils ne connaissaient pas l’avis majoritaire, mais leurs réponses devenaient parfois absurdes dans le cas contraire. Leurs choix sur des problèmes évidents étaient influencés par la pression sociale. Que se passe-t-il? Finalement, les décisions dans ce cas ne sont pas vitales!
La réponse est dans notre cerveau. Parmi les structures cérébrales du cerveau, il existe au niveau des tempes, un repli du cortex cérébral nommé insula. Toutes les informations émotionnelles du corps vont converger vers cette structure qui va s’activer dès que l’appartenance au groupe est menacée. Un changement d’opinion salvateur (à l’appartenance du groupe…) va s’opérer quitte à aller contre nos idées. L’analyse personnelle est alors mise de côté pour se conformer aux choix majoritaires. L’effet panurge est une conformation à l’avis du groupe par peur d’être marginalisé.
Si on résume le processus, un choix doit être fait :
- Seul, l’individu va utiliser ses fonctions cognitives habituelles pour se faire une opinion ;
- s’il fait partie d’un groupe ce choix va être modifié malgré lui par l’intervention d’une structure cérébrale qui est l’insula…
Voici alors une bonne manière de manipuler le groupe ! Chacun fait son choix en fonction de l’avis majoritaire, mais qui leur donne cet avis majoritaire ?
Si une personne extérieure au groupe donne un avis majoritaire faux, est-ce que le groupe va s’y conformer ?
En 2012, pendant l’entre deux tour des élections présidentielles, un panel de personnes a été interrogé sur l’intention de vote de chacun. Lorsqu’on leur présentait des sondages fictifs allant dans le sens contraire de leur intention initiale de vote 25% d’entre eux changeaient d’opinion. C’était donc les sondages qui décidaient pour eux ! Lorsqu’on connait la facilité qu’il y a à orienter les questions lors d’un sondage, on peut se poser des questions sur les résultats des différentes élections. Condorcet l’expliquait déjà, les décisions démocratiques sont censées si les électeurs ne connaissent pas le choix de leurs voisins. Nous reviendront sur les paradoxes de Condorcet dans un prochain billet.
Aujourd’hui les médias et les réseaux sociaux sont au cœur de notre société. L’information et la désinformation circulent à grande vitesse. Chaque jour a son lot de sondages… Alors, la prochaine fois que vous prendrez une décision, méfiez-vous de votre insula !
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